Shéhérazade

Contes envoûtants

On connaît tous cette sensation de curiosité qui nous rive à notre fauteuil ou nous colle le nez à notre roman, quand le chapitre qu’on vient de terminer s’achève sur un tel suspense qu’on ne peut s’empêcher de continuer l’histoire. C’est cette méthode qu’emploie l’astucieuse Schéhérazade dans les Mille et une nuits pour que le sultan Shahriar lui laisse la vie sauve. Celui-ci a fait le vœu de marier chaque jour une nouvelle femme pour la tuer à l’aube, mais il est si captivé par le récit de Schéhérazade qu’il lui accorde chaque matin un sursis jusqu’à la prochaine nuit. Il ne peut résister au suspense!  Elle raconte ainsi, liées les unes aux autres, les histoires d’Aladin et du génie, d’Ali Baba et les 40 voleurs, de Sinbad le marin et de tant d’autres personnages qui envoûtent le sultan jusqu’à ce que, après mille et une nuits, il renonce pour de bon à la condamner.

Dans sa fameuse suite symphonique Shéhérazade, Nikolaï Rimski-Korsakov présente quelques-uns de ces contes fascinants, mais sans le faire de façon littérale. Si les titres de l’œuvre et de ses mouvements font référence aux contes des Mille et une nuits et à ses personnages, la musique ne suit pas une trame narrative précise, laissant l’imagination des auditeurs tracer sa propre trajectoire.

L’œuvre en quatre mouvements est donc catégorisée comme une suite symphonique, genre musical caractérisé par la récurrence et la transformation expressive de quelques thèmes musicaux, en l’occurrence ceux de Shéhérazade et du Sultan. Le premier est envoûtant et romantique, tandis que le deuxième est martial et autoritaire. Tous deux sont entendus au tout début du premier mouvement et se déclinent à plusieurs reprises dans le reste de la pièce, rappelant que les contes sont d’abord narrés par Shéhérazade au Sultan.

Rimski-Korsakov (1844-1908) est un compositeur russe de l’époque romantique. Son appartenance au fameux Groupe des Cinq, rassemblement politique nationaliste et anti-occidental, a grandement influencé sa carrière musicale. Dans toutes ses œuvres, on constate une récurrence des thèmes folkloriques de son pays et une émancipation générale des standards de composition européens. Shéhérazade constitue aujourd’hui une de ses œuvres les plus emblématiques de son pays.